mercredi 16 décembre 2015

L’emploi de la virgule



CHRONIQUE LINGUISTIQUE DU PARTICIPE
L’EMPLOI DE LA VIRGULE

L’emploi de la virgule peut se révéler assez ardu. Il est important de bien respecter les règles d’usage de ce signe de ponctuation dans la langue écrite, puisqu’il joue un rôle essentiel dans le sens des phrases et dans leur structure syntaxique. Voici les situations dans lesquelles on doit l’utiliser.

Il faut noter que certains groupes de mots ne peuvent être séparés par une virgule. C’est le cas pour le sujet et son verbe, ainsi que pour le verbe et ses compléments (direct, indirect et circonstanciel). Il en est de même pour le nom et l’adjectif suivis de leur complément. En fait, si l’on « brise » l’ordre de base de la phrase, on doit encadrer de virgules les segments qu’on insère.

Ponctuation déficiente :

Rosalie, satisfaite de l’impact de sa blague s’amuse de notre réaction.

Dans cet exemple, le sujet et son verbe sont séparés en raison d’un mauvais emploi de la virgule.

Ponctuation correcte :

Rosalie, satisfaite de l’impact de sa blague, s’amuse de notre réaction.

Les virgules sont alors bien utilisées, puisqu’elles encadrent le complément. Ce « cadre » formé par les virgules permet de constater que l’on peut enlever le complément et revenir à la phrase où le sujet et le verbe ne sont pas séparés.

1. La virgule peut servir à séparer des mots ou des groupes de mots de même fonction syntaxique non unis par un coordonnant (et, ou, ni). Ceux-ci marquent une énumération horizontale.

Ex. : Il me manque du sucre, des œufs, de la farine et du lait pour ma recette.

2. La virgule peut aussi encadrer ou isoler un élément exprimant une restriction, une explication ou une précision.

Ex. : J’ai faim, mais je n’ai rien à manger.
        Ces élèves, les plus brillants de leur classe, ont remporté le concours.

3. Ce signe de ponctuation permet aussi d’isoler ou encore d’encadrer une proposition incise.

Ex. : Je t’attendais, lui expliqua son ami.
        Catherine, l’interrompit-il, tu dis n’importe quoi !

4. La virgule signale également les mots mis en apostrophe.

Ex. : Sophie, écoute-moi !
          Bon anniversaire, Marie !

5. On place une virgule après certains marqueurs de relation en début d’énoncé (d’abord, en fait, bref, enfin, premièrement, etc.). On peut aussi les encadrer de virgules à l’intérieur de la phrase.

Ex. : En fait, j’adore composer des textes.
          Vous verrez, premièrement, les œuvres d’Arthur Villeneuve.

6. L’utilisation d’une ou de deux virgules permet aussi d’insister sur un élément en l’isolant ou en l’encadrant.

Ex. : Il les avait prévues, ces dépenses-là.
          Il les avait prévues, ces dépenses-là, depuis fort longtemps.

7. La virgule peut mettre en évidence un complément de phrase ou une subordonnée en début d’énoncé ou à l’intérieur de la phrase.

Ex. : Nous irons faire les courses, demain matin, si nous avons le temps.
        Puisqu’il ne ressent plus de douleur, Pierre-Luc a annulé son rendez-vous.

Une subordonnée relative sera encadrée de virgules si son contenu ne fait qu’ajouter de l’information supplémentaire et qu’il est non essentiel pour permettre de déterminer l’antécédent du pronom relatif.

Ex. : Ces enfants, qui sont âgés entre cinq et huit ans, font preuve d’autonomie.
Mes parents âgés, dont je suis très proche, habitent encore leur maison.

Lorsque le contenu de la subordonnée relative est essentiel pour apporter une précision sur l’antécédent, la proposition relative ne doit pas être ponctuée.

Ex. : Le tableau que ma mère a peint est une véritable œuvre d’art.

8. Il est recommandé de substituer une virgule à tout terme ou expression sous-entendu, lequel est très souvent un verbe.

Ex. : Mon avion décollera à 17 h 30 ; celui de mon frère, à 19 h.


Espérant que ces règles vous donnent un petit coup de pouce sur les différents emplois de la virgule, je vous invite aussi à consulter les ouvrages suivants pour tout ce qui concerne la ponctuation dans ses divers usages :

DE VILLERS, Marie-Éva. Le multidictionnaire de la langue française, 6e édition, Montréal, Éditions Québec Amérique, 2015, p. 1374-1375.

GUILLOTON, Noëlle et Hélène CAJOLET-LAGANIÈRE. Le français au bureau, 7e édition, Québec, Les publications du Québec, 2014, p. 283-290.

LECAVALIER, Jacques. L’express grammatical, 4e édition, Québec, Éditions du renouveau pédagogique inc. (ERPI), 2014, p. 73-76.


Johanie Bilodeau
Stagiaire au Participe
Étudiante en Linguistique et langue française à l’UQAC

mardi 1 décembre 2015

L’emploi du point-virgule et du deux-points

CHRONIQUE LINGUISTIQUE DU PARTICIPE
L'EMPLOI DU POINT-VIRGULE ET DU DEUX-POINTS

On oublie parfois l’importance de ponctuer correctement nos phrases. À l’oral, on rythme nos propos de pauses et d’intonations; on cadence nos discours au rythme de notre respiration. Comment ponctuer à l’écrit ce que l’on fait si naturellement à l’oral ? Voici deux signes de ponctuation qu’on malmène souvent et les règles de base qu’il faut respecter dans chaque cas.

Le point-virgule

L’utilisation du point-virgule semble porter à confusion pour plusieurs. Pourtant, il joue un peu le rôle d’un point : on l’emploie pour séparer deux énoncés grammaticalement complets qui sont associés l’un à l’autre par le sens (idées mises en parallèle ou en opposition).

Ex. : J’ai couru dix kilomètres aujourd’hui; ma sœur en a couru sept.

Dans ce cas, le point-virgule peut être remplacé par un point; c’est d’ailleurs un bel indicateur pour savoir si on l’utilise adéquatement.

Il peut aussi être employé pour séparer les différents éléments d’une énumération horizontale contenant déjà des virgules.

Ex. : Mon amie est belle, intelligente, espiègle; elle rit constamment et a gardé son cœur d’enfant.

Le point-virgule s’emploie aussi entre les différents éléments d’une énumération verticale.

Ex. : La liste de mes cours préférés est la suivante :
            français;
            anglais;
            biologie;
            mathématiques.

Le deux-points

Le deux-points sert à introduire des mots ou des phrases. Plus précisément, il peut annoncer une énumération, une explication, une cause, une conséquence ou une conclusion. Il sert aussi à introduire une citation.

Ex. : J’ai échoué à mon examen : je n’avais pas étudié suffisamment.
        Je l’observai un moment, puis murmurai : « Pourquoi souris-tu ? »

Le terme qui suit le deux-points prend une minuscule, à moins qu’il ne s’agisse d’une citation, d’un nom propre ou du titre d’une œuvre.

Ex. : Tu dois absolument lire ce livre de Khaled Hosseini : « Mille soleils splendides ».


Ne manquez pas la prochaine chronique linguistique ! Elle portera sur les différents emplois de la virgule qui peuvent parfois se révéler laborieux.

À bientôt !

Johanie Bilodeau
Stagiaire au Participe
Étudiante en Linguistique et langue française à l'UQAC

jeudi 14 mai 2015

Cinq mots et une expression malchanceux

CHRONIQUE LINGUISTIQUE DU PARTICIPE
CINQ MOTS ET UNE EXPRESSION MALCHANCEUX
Il est arrivé à tout un chacun, à un moment ou à un autre, qu’importe sa maîtrise de la langue, d’utiliser incorrectement des mots. En effet, certains emplois, bien qu’erronés, sont parfois si ancrés dans l’usage qu’ils échappent même à l’œil le plus aiguisé. Ils prennent soit la forme de l’impropriété, c’est-à-dire l’emploi d’un mot ou d’une expression dans un sens qu’il n’a pas, soit celle de l’anglicisme sémantique, à savoir l’emprunt à l’anglais du sens d’un mot dont la forme existe en français. Comme ces écarts de langue se comptent par centaines, le présent article ne peut donc pas en dresser une liste complète. Il présente plutôt quelques-uns des cas les plus courants au Québec afin de vous sensibiliser à la question. Si vous souhaitez en savoir davantage, la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française contient un grand nombre d’articles sur le sujet.

LES ANGLICISMES SÉMANTIQUES
L’anglais et le français sont des langues très similaires : elles descendent toutes les deux du latin ; leur alphabet est presque identique ; leur structure phrastique est similaire ; elles possèdent aussi un grand nombre de mots proches d’un point de vue orthographique et sémantique. La langue française du Québec, province enveloppée par des territoires anglophones depuis ses origines, a donc subi l’influence de l’anglais et s’est vue envahie par une importante variété d’anglicismes, dont ceux dits sémantiques, qui, de par leur nature, se sont ancrés dans l’usage plus subtilement que les autres. Parmi eux, il y a les mots identifier, spécifique et alternative.

Identifier
Ce verbe est souvent utilisé comme synonyme du verbe nommer ; pourtant, en français, il n’a pas le sens de « indiquer son identité » en français. Par exemple, « veuillez vous identifier » est une formule fautive.
Identifier devrait plutôt être utilisé dans le sens de «  considérer comme identique », « établir l’origine, la nature » ou « reconnaître comme appartenant à une espèce, à une catégorie, etc. ». On peut notamment identifier des produits chimiques en laboratoire comme bases ou acides, identifier des animaux à une espèce ou identifier une personne à un organisme, à une vedette.

Spécifique
Le verbe spécifier étant un synonyme de préciser et d’expliciter, on serait porté à croire que le cas de l’adjectif spécifique est analogue, et que celui-ci possède ipso facto le sens de précis ou d’explicite.
Ex. : « L’élève ne connait pas la raison spécifique de son échec. »
On ne peut toutefois l’employer ainsi. Cet adjectif, de même que l’adverbe spécifiquement, ne possède pas, contrairement au verbe, une acception anglaise. Son utilisation se limite à indiquer que quelqu’un ou quelque chose est particulier à une espèce ou à une chose. Par exemple, une loi peut être spécifique à un domaine et un goût, être spécifique à un aliment.

Alternative
Les expressions comme « solutions de rechange » ou « autres possibilités » ne sont pas suffisamment élégantes pour certains, qui, à tort, se considèrent plus éloquents et concis en utilisant alternative.
Ex. : « Plusieurs alternatives s’offraient au joueur de poker : égaliser, relancer ou se 
         coucher. »
La signification de ce mot en français en surprendra plus d’un. D’une part, celui-ci ne peut, bien souvent, prendre la marque du pluriel ; d’autre part, il ne doit être utilisé que lorsque deux solutions sont envisageables. Par définition, une alternative n’est pas un choix, mais une situation où deux possibilités s’offrent à quelqu’un, lesquelles mènent, il importe de ne jamais l’oublier, à des résultats différents.
Ex. : Le joueur de poker est confronté à une alternative : relancer ou se coucher.

LES IMPROPRIÉTÉS
Les impropriétés peuvent naître dans une langue pour des raisons variées, raisons qui ne sont pas toujours faciles à cerner. Deux cas sont particulièrement récurrents tout de même. Certains termes, peu courants dans l’usage, sont parfois confondus avec leurs paronymes. D’autres possèdent une définition très proche d’un autre mot, ce qui amène certaines personnes à considérer comme synonymes deux termes qui, en réalité, ne le sont pas. Au Québec, l’emploi impropre de littéralement, conventionnel et au niveau de est fréquent.

Conventionnel
Ce mot est souvent perçu comme un synonyme de traditionnel.
Ex. : « Cet homme cuisine un plat conventionnel. »
Bien que ces termes possèdent une définition similaire (ils sont utilisés pour indiquer que « quelque chose est conforme à »), il existe une importante nuance entre les deux. Conventionnel sert à indiquer que quelque chose respecte les convenances ou, plus péjorativement, que quelque chose manque de naturel ou est trop attaché aux règles, alors que traditionnel sert plutôt à préciser que quelque chose est passé dans les habitudes, est depuis longtemps utilisé.
Ex. : Cet homme cuisine un plat traditionnel.
        La secrétaire salua de manière conventionnelle les nouveaux arrivés.

Littéralement
Comme cet adverbe semble plus recherché, plusieurs l’utilisent pour remplacer la locution tout à fait, expression plus courante. Par ailleurs, d’autres croient que littéralement découle du mot littéraire et s’en servent pour signaler la valeur métaphorique de leur propos.
Ex. : « Je suis littéralement ébahi que tu n’aies pas téléphoné. »
        « Elle est littéralement morte de faim ! »
En fait, le terme littéralement vient de littéral, un paronyme de littéraire, signifiant « qui est pris au sens strict ». Ainsi, si une personne dit qu’elle est littéralement morte de fatigue, ce n’est pas une métaphore : elle est réellement décédée et, en le signalant, défie toute logique. Si l’utilisation de tout à fait ennuie certaines personnes, ces dernières peuvent opter plutôt pour complètement, entièrement, véritablement ou totalement.

Au niveau de
Au niveau de, locution célèbre employée à toutes les sauces, est très souvent considérée comme un synonyme d’expressions telles que dans le domaine de, du point de vue de, sur le plan de, etc.
Ex. : « Au niveau de la relation des personnages, on observe que… »
On peut se demander si le sens du mot niveau est lui-même similaire à celui de point, de domaine ou de plan. Une brève recherche permet de constater que ce n’est pas le cas : le terme niveau ne peut être utilisé que lorsqu’il est question de hauteur ou de hiérarchie. Qu’il soit intégré à la locution ne change rien à son sens premier. Au niveau de ne peut ainsi s’utiliser que dans les cas où il est question d’élévation, de rang ou de hauteur.
Ex. : Les étagères au niveau de sa poitrine supportaient la vieille vaisselle.
        Au niveau du gouvernement fédéral, des décisions importantes seront prises.

POUR PLUS D’INFORMATIONS

Anthony Gagnon Tremblay

Stagiaire au Participe

mercredi 22 avril 2015

Usito, enfin voilà « mon » dictionnaire !

CHRONIQUE LINGUISTIQUE DU PARTICIPE
ENFIN ! VOILÀ « MON » DICTIONNAIRE !

Le français utilisé au Québec est assez différent de celui qui est reconnu internationalement. Ce sujet ne vous est certainement pas étranger : on en parle après tout si souvent ! Notre langue est remplie de subtilités qui la distinguent des autres tendances dans la francophonie mondiale, subtilités qui sont parfois source d’erreurs à l’écrit. Lorsque vous voulez vous renseigner sur le sujet, ce sont les dictionnaires de langue comme Le Robert ou Le Larousse que vous consultez, lesquels traitent essentiellement du français standardisé. Ces dictionnaires, néanmoins, ne sont pas pensés pour nous en particulier. N’avons-nous pas d’autres choix valables dans la province ? Un non a été la réponse pendant fort longtemps, mais voici enfin venu un dictionnaire sur lequel nos linguistes ont travaillé pendant des années : Usito.

LES PARTICULARITÉS D’USITO

Usito est un dictionnaire qu’on a créé en tenant compte du français parlé chez nous. On retrouve certes dans Le Robert et Le Larousse des faits de langue du Québec (expressions, anglicismes, emprunts aux autochtones, etc.), mais le nouveau venu en fait une liste beaucoup plus exhaustive. Certains anglicismes tels que pâte à dent, prendre place ou bon matin y figurent notamment. Usito offre aussi une analyse généralement plus approfondie de ces faits de langue, précisant leur origine et le registre auquel ils appartiennent.

Plus qu’un simple dictionnaire, l’ouvrage est en outre une miniencyclopédie. Il contient des dizaines d’articles brossant le tableau du paysage culturel et linguistique du Québec : écrits sur le folklore, la cuisine, la faune, l’anglais, l’histoire de l’Acadie, etc.

UN OUTIL À PRIVILÉGIER ?

Usito ne rend pas les autres dictionnaires obsolètes, loin de là. Notre écrit, après tout, suit les normes du français standardisé, le même qui, justement, se retrouve dans Le Robert et le Larousse. Pour un natif du Québec ayant comme langue maternelle le français, Usito est un dictionnaire qui, en prime, présente sa vision de la langue sous des angles historique, géographique et social. Mais ce sont surtout les locuteurs qui n’ont pas grandi au Québec qui y trouveront leur compte. Une langue est bien plus qu’un ensemble de règles de grammaire et de syntaxe. Elle n’est pas associée seulement à une histoire, à une culture et à un pays, mais aussi à une manière unique d’interpréter le monde. Avec ses articles, Usito offre un accès à ces aspects pour le français du Québec, ce qui est, n’en doutez pas, immensément utile pour en saisir les subtilités.

COMMENT L’OBTENIR ?

Il n’existe pas actuellement de version papier de l’ouvrage. Inutile donc de le chercher chez vos libraires. Moyennant un abonnement, on peut accéder à Usito sur le Web. Heureusement pour les élèves et le personnel du Cégep, ce dictionnaire original peut être consulté gratuitement sur les ordinateurs de l’établissement depuis le site Internet de la bibliothèque : bibliotheque.cegepjonquiere.ca/bibliotheque-numerique.html.

Faites-vous donc une fleur et allez y jeter un coup d’œil dès que l’occasion se présentera. Il a fallu patienter pendant des années pour qu’un dictionnaire de langue, digne de ce nom, soit fait par des gens d’ici. Il serait triste de s’en priver, d'autant plus que, avec son interface récemment repensée, Usito est plus intuitif que jamais.

Anthony Gagnon Tremblay
Stagiaire au Participe
Avril 2015